France : stratégie de financement de la filière musicale en France (Rapport du sénateur Julien Bargeton)

Ces deux dernières décennies, la filière musicale a vu son économie bouleversée notamment par une révolution numérique qui a profondément modifié les modes d’écoute. Cette industrie culturelle fait face à de nombreux enjeux : bascule des usages vers les flux musicaux sur des plateformes par abonnement ou gratuites, concurrence internationale accrue, nouveaux modes de production, transition écologique… Le succès emblématique de la K-Pop, objet d’une politique active de la Corée du Sud, témoigne de ce contexte de concurrence internationale aiguisée.
 

Créé en janvier 2020, après dix années d’attente par l’ensemble de la filière, le Centre national de la musique (CNM) s’est immédiatement consacré à accompagner le secteur durement touché par la crise sanitaire.
 
Trois ans plus tard, le rapport estime que l’action du CNM doit désormais se déployer pleinement pour lui permettre de répondre à sa vocation première, devenir la « maison commune de la musique » et rassembler toute la filière, du spectacle vivant à la musique enregistrée, afin de relever les défis stratégiques qu’elle affronte. Le sénateur met en avant trois axes prioritaires : l’export et le développement international des créations françaises, l’innovation et le numérique, la structuration du tissu économique pour garantir la diversité de la filière et notre souveraineté culturelle. Il préconise que cette ambition s’appuie sur des leviers de financement nouveaux, qui répondent à un principe de solidarité et de redistribution au sein de la filière.

CONCLUSIONS DU RAPPORT :

Les défis de la filière musicale sont nombreux et méritent d’être relevés. La création du Centre national de la musique en 2020 constitue à ce titre une opportunité que les difficultés liées à sa mise en place ne doivent pas remettre en cause. Son projet de « maison commune de la musique », qui présente déjà de nombreux succès, reste sa raison d’être capitale dans une
filière fragmentée qu’il doit continuer à structurer davantage.


Pour autant, la question de sa stratégie, de ses moyens d’action et de son financement doit être réévaluée à l’aune de ses premières années d’existence d’une part, des ambitions qui doivent porter la filière musicale française d’autre part. Le CNM ne peut prétendre absorber toutes les interventions en faveur de la musique et doit, au contraire, déployer son action de façon à maintenir la force de la filière musicale française, qu’il s’agisse de ses succès, de sa créativité ou de son audace, et ce, à travers l’export, l’innovation et la création de valeur.


Il ne s’agit donc pas de financer le CNM pour lui-même, mais bien au titre de l’outil qu’il constitue au service de la filière. À ce titre, le choix d’une contribution spécifique de la musique enregistrée qui fasse écho à celle du spectacle vivant, paraît pertinent dans son principe. Le choix d’une assiette reposant sur les revenus du streaming avec un taux très faible garantit l’objectif de rendement (revenus majoritaires et en croissance) tout en ne perturbant pas les équilibres économiques (peu de répercussions sur la chaîne de valeur, pas d’impact à prévoir pour le consommateur). Cette contribution pourrait d’ailleurs s’inscrire dans un cadre général de « contribution équitable de l’ensemble des activités musicales » au prix d’une révision de l’actuelle taxe sur les spectacles de variétés, assurant au système une lisibilité et une acceptabilité plus grandes.


Au-delà du seul financement, une refonte du fonctionnement est nécessaire. Le programme d’aides doit être resserré au profit d’aides moins nombreuses, mieux ciblées dans leurs objectifs, et qui prévoient plus de coopération entre les acteurs. La mission d’observation économique du secteur, actuellement très insatisfaisante, doit monter en puissance y compris à travers une meilleure collaboration des acteurs économiques. Enfin, la gouvernance doit être réinterrogée si son fonctionnement actuel empêche l’agilité dont dispose normalement un établissement public.


En outre, et ce n’était pas l’objet du présent rapport, la place durable de la musique en France ne peut se passer d’une réflexion approfondie sur l’éducation artistique, de la musique à l’école à la formation dans les conservatoires en passant par les pratiques amateurs. Ce sujet fondamental, souligné par de nombreux interlocuteurs, appelle une autre mission.

Pour accéder au rapport complet de 103 pages : https://bit.ly/3AoiAcR

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